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La NBA et la longue quête du « public blanc »
Par Dimitri Kucharczyk — Le 9 septembre 2014 à 13:02

C’est un sujet tabou en NBA. Pourtant, l’email de Bruce Levenson, le propriétaire des Hawks obligé de vendre ses parts, l’illustre bien : la ligue et ses équipes sont toujours en quête du « public blanc ».
Comme l’explique Kareem Abdul-Jabbar, le courrier de l’homme d’affaires est empreint de préjugés mais il s’agit surtout des idées d’un businessman qui cherche à faire des affaires, là où le rapport sur Luol Deng est clairement offensant. Bien sûr, le sujet est sensible. Privilégier un public blanc, financièrement plus à l’aise et donc plus à même de s’offrir des billets à l’année et de dépenser dans la salle, n’est pas une stratégie marketing que les franchises mettent en avant.

Des joueurs blancs qui rapportent plus d’argent ?
En NBA, c’est pourtant très commun, comme nous le confirme un ancien membre de la division marketing des Indiana Pacers. En 1988, Lawrence M. Kahn et Peter D. Sherer publiaient ainsi une étude « Racial Differences in Professional Basketball Players’ Compensation » qui expliquait que pour des rôles équivalents, les joueurs blancs étaient payés 20% de plus que les joueurs noirs. Les deux chercheurs expliquaient cette différence par le fait que les joueurs blancs attiraient plus de public dans les salles.
Inconsciemment (le plus souvent), les dirigeants avaient donc tendance à surévaluer la valeur sportive des joueurs blancs parce qu’ils établissaient un lien plus fort avec les supporters, généralement blancs.
D’après Lawrence M. Kahn et Peter D. Sherer, qui ont étudié les variations d’affluence en fonction de la composition des franchises, passer d’une équipe totalement noire à une équipe totalement blanche permettrait d’attirer entre 137 885 à 157 040 fans de plus par saison. À l’époque de l’étude, un joueur blanc « rapportait », en termes uniquement de ticket, entre 114 904 $ et 130 887 $ de plus qu’un joueur noir.
En 2001, Mark T. Kanazawa et Jonas P. Funk ont eux étudié l’impact de la composition raciale des équipes sur les indices TV. D’après leur étude, un joueur blanc attire entre 3 500 et 36 200 téléspectateurs de plus, en moyenne, qu’un joueur noir, en fonction de la taille du marché. Sur une année, cela représente donc entre entre 117 000 $ et 1 114 000 $ de plus, en termes de droits, par joueur.

Larry Bird veut des « superstars blanches »
Depuis, d’autres études sont venues nuancer le phénomène, expliquant que les variations relevées par Kahn et Sherer n’étaient plus aussi marquées, ni même significatives, dans les années 2000. D’après certaines études, la présence de joueurs blancs dans des équipes au public essentiellement afro-américain aurait même tendance à faire baisser l’affluence dans les salles. L’idée selon laquelle les fans blancs sont plus investis envers une équipe composée avec plus de joueurs blancs est donc très contestée. Mais comme le confirme l’ancien membre de la division marketing des Pacers, elle est néanmoins admise dans la plupart des franchises de la ligue. En 2004, Larry Bird le déclarait même très clairement dans une interview.
« Oui, je le pense [qu’il n’y a pas assez de superstars blanches]. Quand je jouais, il y avait moi, Kevin McHale et quelques autres joueurs dans la ligue. Je pense que c’est bon pour les fans parce que la majorité des fans sont issus de l’Amérique blanche. Si on met quelques joueurs blancs, ils sont contents. Mais c’est un jeu pratiqué par les Afro-américains et ça le restera. Le plus grands athlètes sont afro-américains ».
En 1980, le propriétaire des Cleveland Cavaliers, Ted Stepien, avait ainsi déclaré qu’un quota de joueurs blancs devait être mis en place dans un but marketing, afin d’aider les équipes à attirer des spectateurs.

Le conseiller de George W. Bush pour changer l’image de la ligue
La NBA avait logiquement refusé l’idée et le propriétaire, connu pour sa gestion catastrophique de l’équipe, avait dû promettre de ne jamais mettre en place un tel système. Néanmoins, il ne faisait que dire ce que tous les propriétaires pensaient tout bas. La logique n’est donc pas nouvelle.
Depuis la fusion entre la NBA et l’ABA, en 1976, la ligue pense avoir perdu le lien avec son public traditionnel : le public de l’Amérique blanche. Les nombreux problèmes de drogue qui ont marqué cette période avaient ainsi fait très mal à l’image de la NBA, avant que la rivalité Magic Johnson – Larry Bird, puis l’arrivée de Michael Jordan, n’y redonnent un puissant coup de boost. Mais après la retraite de « His Airness », l’ambiance hip hop de la ligue, illustrée par Allen Iverson, avait à nouveau coupé ce lien marketing. En tout cas d’après les sondages commandées par la ligue.
En 2004, la bagarre du Palace d'Auburn Hills a fini de le briser. David Stern décide alors de changer l’image de la NBA en imposant un « dress code » obligeant les joueurs à remettre leurs baggys et sweats au placard. À l’été 2005, il engage Matthew Dowd, ancien conseiller spécial de George W. Bush lors de la campagne présidentielle de 2004, afin de développer des stratégies marketing à destination des fans blancs.
Même s’il refuse de l’expliquer en ces termes.
« Les gens qui vivent dans les villes avec des équipes NBA ont une meilleure image des joueurs », explique David Stern après une série de sondages. « Dans les marchés de la NBA, c’était bien. Quand ce n’était pas un marché NBA, ils ne regardaient pas les matches et ne savaient que ce dont ils entendaient parler ».
Pour Adam Silver, Matthew Dowd « a travaillé sur les moyens de mieux informer les groupes composés de personnes qui ne sont pas de grands fans de basket ».

Un marketing ethnique tabou
En clair, la ligue lance une grande campagne de reconquête du public blanc. L’image des joueurs se fait plus policée. En 2005, la NBA invite Dick & Rich, un groupe de country, à la mi-temps du All Star Game. C’est à cette époque que Bruce Levenson et son groupe d’investisseurs achètent les Hawks. De façon globale, la NBA tente de se débarrasser de son image hip hop. De façon locale, c’est aussi ce que semble faire Atlanta.
Dans son email, Bruce Levenson assure ainsi que les Hawks ont distribué beaucoup de tickets dans les quartiers noirs de la ville afin de remplir la salle, sous la pression de la NBA, au début des années 2000. Le propriétaire veut changer cela et vise « le fan blanc de 40 ans », celui qui est capable d’acheter des tickets à l’année, qui peut amener toute sa famille au match et dépenser de l’argent dans la salle. La pente est très savonneuse. Le marketing ethnique n’est pas quelque chose qu’on expose, même s’il existe partout, et le propriétaire ne pensait sans doute pas que son email sortirait un jour du cercle privé de ses collaborateurs. Ses idées sont jetées à la va-vite et ne reposent souvent sur rien.
Lors de l’affaire Donald Sterling, le statisticien Nate Silver a étudié les communautés de fans des franchises. Atlanta était l’une des trois seules équipes (avec Washington et Memphis) où les fans étaient majoritairement afro-américains (47.8%) et pas blancs (40.2%). Logique : la ville d’Atlanta est à 54% noire.
Néanmoins, la ville accueille les sièges de très grosses entreprises (CNN, Delta Air Lines, Coca-Cola, UPS…) et la population blanche de la ville, qui comprend pas mal de dirigeants de ces sociétés, est donc très aisée. En moyenne, une famille d’Atlanta gagne 49 981 $ par an (moyenne de 2009). Le problème, c’est que les différences de revenus entre les différentes catégories ethniques sont très importantes.
Une famille noire d’Atlanta gagne en moyenne 25 092 $ par an alors qu’une famille blanche, dans la même ville, gagne 86 451 $ annuellement. Dans une logique mercantile, Bruce Levenson souhaitait donc viser le public aisé de la ville en créant l’environnement pour l’attirer, au détriment du public classiquement noir.

La victoire, seul facteur d’adhésion pour les fans moins impliqués
Il est intéressant que Bruce Levenson fasse référence aux Wizards et à leur public dans son email, expliquant que la franchise d’Abe Pollin (désormais Ted Leonsis) n’a jamais eu plus de 15% de spectateurs noirs dans sa salle. Washington possède en effet une démographie proche de celle d’Atlanta.
La population noire est la plus nombreuse (48.8%) mais la population blanche de la ville, formée de fonctionnaires d’Etat, est très aisée. Toutefois, si le futur ex-propriétaire des Hawks constate les conséquences, les causes qu’il met en avant sont fausses. Si le public des Hawks est majoritairement noir, c’est avant tout parce que le public afro-américain est le plus fan de basket et de NBA.
Les études commandées par la ligue ces dernières années montrent que ce sont les fans noirs qui sont le plus investis avec leur équipe, surtout lorsque celles-ci ne brillent pas. Dans les temps difficiles, ce sont donc eux qui peuvent remplir une salle. Pour attirer les fans blancs, plus aisés, la seule solution est de gagner. La victoire, c’est en effet le facteur d’adhésion le plus puissant chez les fans moins investis émotionnellement. Or les Hawks n’ont plus atteint les finales de conférence depuis 1970 et ils sont une équipe de milieu de tableau (au mieux) depuis le départ de Dominique Wilkins.
De plus, Atlanta n’est pas une ville de basket. L’agglomération vibre d’abord pour les Falcons, l’équipe de football américain, et les Braves, l’équipe de baseball. Dans ces conditions, espérer attirer des fans plus aisés mais moins suiveurs du basket en changeant l’environnement de la salle relève de l’utopie. Et c’est peut-être ça le vrai problème cet email, plus maladroit que raciste, plus bête que méchant.
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